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Cela sonna faux, l’attitude, la voix, la physionomie, si faux qu’ils n’osèrent plus rompre le silence. Et ils pensaient à leur première, leur unique entrevue d’autrefois, ardente et voluptueuse.Quel changement s’était donc produit ?

Par contenance, il s’approcha d’elle et la saisit dans ses bras. Instantanément, l’étreinte se dénoua. Et ils s’observèrent encore, le regard éperdu. La même impression les heurta. Ils ne se connaissaient pas. Ce n’étaient ni les yeux, ni la bouche, ni le visage de l’être qu’ils aimaient. Ce n’était point là l’idole devant laquelle, depuis plus d’un an, ils se courbaient, l’âme en adoration.

Ils furent prêts à sangloter, tellement l’épouvantable désillusion les abattait. Et ils se seraient demandé :

— Est-ce toi ? est-ce toi que j’ai tant aimé ? est-ce toi que j’aime tant ? est-ce pour toi que tant de larmes ont coulé de mes yeux ?

Mais ils sentirent que toute entente leur était interdite. Ils ne pouvaient même pas pleurer ensemble. Pas plus que leur amour, leur détresse commune ne se manifesta.

Se levant, elle dit :

— Pardonnez-moi. J’ai des courses qui m’obligent à vous quitter.

Il ne la retint pas. Il ne la retint pas. Quand elle fut auprès de la porte, il murmura :

— Adieu.

Elle répondit :

— Adieu.