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Pierre suffoquait. Il était très pâle… Se dominant, il articula :

— Et comme je te questionnais sur ce retour, toi, tu m’as répondu : « C’est Mme Créhange qui m’a reconduite. »

Jeanne, éplorée, joignit les mains. Lentement il murmura :

— Tu as menti, Jeanne, saisis-tu bien le sens de ces trois mots : tu as menti ?.. C’est irréparable, il ne se peut plus que tu n’aies menti. As-tu conscience de ce que tu as fait ?

Elle cherchait à en prendre conscience. Mais cela restait encore en dehors d’elle. Et elle bégayait :

— Oui, c’est vrai, j’ai menti… je ne m’en étais pas aperçue… j’ai menti.

Sa douleur la contraignit aux larmes. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas.

Pour s’apaiser, lui, il se répandit en plaintes :

— Ah ! les trompeuses, les perfides ! Toutes il leur faut s’envelopper dans une épaisseur de supercheries, d’impostures, de subterfuges, de trahisons. Ainsi, toi, la plus honnête, voici trois mois que tu te complais en une intrigue douteuse. Le cœur n’y est certes pas, la pensée non plus. N’importe, le secret existe ; entre cet homme et toi il y a complicité. Et puis, par dessus tout, il y a crime, puisque il y a mensonge. Est-ce que je mens, moi ? Ai-je reçu seulement une lettre ?

Ils interrompit brusquement, comme un coureur qui tomberait à genoux, blessé, et il marmottait :