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Il lui eût été impossible physiquement de la caresser. Cette bête l’écœurait. Elle lui paraissait souillée, d’une souillure indélébile.

Et surtout Angélique se rappelait le scandale ridicule, en plein village. Elle entendait les rires des assistants ; elle devinait les racontars ironiques, la nouvelle colportée de bouche en bouche, la honte de Léda devenue publique.

De ces potins, des échos lui parvinrent. Le notaire ne l’aborda-t-il pas par cette demande :

— Eh bien, mademoiselle, comment va madame Lebaudru ?

Le mot fit fortune. Journellement on l’en flagellait. Ce ne furent plus ces demoiselles Lebaudru, mais madame et mademoiselle Lebaudru.

Que de fois Angélique fut tentée de chasser l’infâme ! Hélas, la faute n’en subsisterait pas moins. En outre d’obscurs motifs l’en empêchaient.

Elles vécurent côte à côte comme certains de ces époux qu’un monstrueux secret divise, mais que la fatalité et les convenances du monde obligent à supporter le fardeau de la vie commune. Elles vécurent, l’une haineuse, implacable, l’autre humble, suppliante, avide de pardon. Jamais Léda ne sortait. Ses avances étaient repoussées avec une froideur déconcertante. Si elle s’obstinait, Angélique quittait la pièce.