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bête. Le mal fait à son orgueil et à sa pudeur serait, lui semblait-il, moins irritant s’il était plus complet, plus absolu. Mais comment ? Cela devenait une obsession torturante.

Et, une nuit d’insomnie, il fallut que cette gêne cessât, il le fallut. Et, vraiment, c’est en inconscience, comme on cherche un remède, qu’elle alla vers la chambre de Morège. Et, se penchant sur lui, elle disait avec une voix de haine :

— Regardez-moi ; j’ai besoin que vous me regardiez… mieux que cela… Vous ne comprenez donc pas que votre regard était incomplet, et que j’en souffre, et que je le veux tout entier, pour qu’il m’apaise ?…

Elle se dévêtit.

— Tenez, voici ma gorge. Votre regard est dessus, autour, il l’emprisonne. Mais il faut qu’il entre en moi, qu’il y reste bien…

Et elle lui offrit son corps nu :

— Prends toute ma chair… Puisque tu l’as vue, elle t’appartient.. Prends-la : il est naturel, il est logique que tu la prennes… et puis je ne souffrirai plus…

Maurice Leblanc.