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L’APAISEMENT


Une pudeur invincible contraignait Fernande à prendre son bain plus tôt que les autres invités. Le regard d’inconnus lui importait moins. Mais tous ces gens que le caprice d’un riche banquier avait réunis sur cette plage déserte, il lui déplaisait de se retrouver, une heure après, en leur compagnie. Leurs yeux, qui avaient vu, la gênaient. Ne se souvenaient-ils pas ? Elle n’osait bouger.

Elle sortit de l’eau, ce matin-là, au moment où trois de ces messieurs débouchaient de la valleuse. L’un d’eux, Morège, se hâta vers le peignoir. Mais elle s’en enveloppa rapidement, salua d’un coup de tête et courut à sa cabine.

Une bassine d’eau chaude l’attendait. S’étant dévêtue, elle y trempa ses pieds et s’assit, nonchalante et engourdie de bien-être.

Des pas grincèrent sur le galet. Une voix d’homme cria :

— Tu pourrais nous attendre !

La voix de Morège répondit :

— Non ; je vais me déshabiller.

Il approchait. Vivement, Fernande se dressa pour boucher le petit carré de la lucarne avec son peignoir. Mais la porte, non fermée, s’ouvrit, et Morège la vit debout, nue.

En rentrant, elle se coucha. L’insistance de son mari ne put la décider à venir à table. La châtelaine et quelques amies tâchant de la distraire, cela l’importunait au point qu’elle les pria de se retirer. Le