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— Il ne faut pas seulement ne pas mentir, il faut avouer la vérité. Et l’on biaise parfois, on oublie. Si vous voulez, Jeanne, chaque année, à l’anniversaire de ce jour, nous ferons notre examen de conscience et, scrupuleusement, nous confesserons ce que nous avons omis par crainte ou par négligence.

— Oh ! Pierre, dit-elle, je n’aurai rien à dire.

Ils vécurent dans une étrange atmosphère de béatitude.

Un invincible besoin joignait leurs yeux. Et leurs regards se pénétraient, abolissaient les frêles obstacles de la chair et parvenaient à l’esprit affranchi.

Ils avaient, en se contemplant, une sensation de blancheur, avec des visions de gestes qu’ils ébauchaient en rêve, gestes ingénus, gestes primitifs, pareils à ceux du Christ, qui, sur les images d’azur, écarte les parois de sa poitrine et montre l’incendie de son cœur. Les bras tombants, la paume des mains offerte, ils semblaient s’exclamer :

— Ne vois-tu pas la candeur de mon âme ? Promène en moi le flambeau de clarté. Nulle pensée secrète ne s’y cache. Comme je suis pur !

Cette pureté les grisait. Des évocations s’imposaient à eux, de lis, de neige, de cygnes, de brebis, de toutes les choses blanches. Plutôt que des êtres, ils se sentaient des formes surnaturelles, des sortes d’anges, baignés de lumière, limpides comme de l’eau, transparents comme du cristal.

Ils ne cessaient de se narrer leurs actions. C’était un assaut charmant à qui se livrerait aux détails les plus minimes. Jeanne excellait en ce genre d’exercices et Pierre buvait ses paroles. Ils éprouvaient même un plaisir délicat à