Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle tint sa promesse. Elle en amena beaucoup, et des jolies filles, et des fines, et des gracieuses. Où les trouvait-elle ? un peu partout, dans la ville et dans la campagne, chez les bourgeois et chez les ouvriers. Elle les enjôlait par de suaves paroles. L’orgueil de leur nudité attirait certaines, la perversité les autres, ou le désir de se distraire. Il en fut qui vinrent malgré elles et se dévêtirent en sanglotant, victimes soumises à sa volonté.

Et les corps apparurent devant Georges, multiples et divers spectacles de la forme féminine, blocs de chair vivante où balbutie l’effort de la nature vers la beauté. Il vit les seins, reposoir d’amour et sources d’existence. Il vit le berceau des hanches. Il vit les bras, collier de l’amant, et les genoux, domaine de l’enfant.

Et cependant son rêve restait en lui, réfractaire à toute expansion. Vainement il tentait de l’arracher à la prison de son cerveau, il n’en attirait que des bribes, correspondantes aux morceaux de perfection entrevus parmi les modèles. Il le disait avec découragement :

— L’idéal ne se détaille pas. Il est tout entier en moi, il n’en sortira que tout entier. Quand il sera affranchi, je pourrai, par la seule force de mon talent et de mon souvenir, le manifester suivant les détails du beau qu’on me montrera. Mais il faudrait d’abord qu’il s’offrît à moi extériorisé, pour ainsi dire. Et ces filles ne m’en donnaient que des faces spéciales et incomplètes.

Après chaque essai infructueux, sa