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Il avoua qu’en effet sa silhouette souple, la grâce de sa figure, ses cheveux blonds, ses yeux bleus animeraient le paysage.

Alors, à défaut d’autre femme qu’il pût évoquer de préférence, il en fit sa compagne. Ils se promenaient ensemble, les bras liés, les âmes en harmonie. Il modelait ses pas sur les siens. Et il admirait le rythme de sa taille flexible. Ah ! les couchers de soleil, les clairs de lune, les aurores, comme il en goûtait le charme maintenant ! C’est que le regard de Marthe regardait en même temps que lui, c’est que sa voix se mêlait aux murmures du silence, voix tendre, voix profonde, dont l’émotion l’incitait à l’extase.

Elle lui fut fidèle aussi dans la solitude de sa chambre, aux longues heures de pluie ou de fatigue. Ils parlaient beaucoup. Leur passé se confondait en tant de choses communes : réminiscences d’aveux, de premières caresses, d’étreintes ardentes, de séparations désespérées !

Une fois, il la conduisit à la pointe de Tibère. Un ermitage s’y dresse. Ils s’accoudèrent au rebord de l’esplanade. Au-dessous d’eux, à pic, le précipice où l’empereur jetait ses victimes. En face, le golfe.

Il se taisait, songeur. Et, soudain, il s’avisa que des larmes mouillaient ses joues. Un grand frisson le parcourut. La vérité éclata, et il comprit.

Il comprit qu’il aimait Marthe. Il comprit qu’il n’avait jamais cessé de l’aimer.