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L’ÂME AVEUGLE


À tout prix, il voulait rompre. Cette liaison, vieille de quelques mois, l’obsédait. Sa décision était irrévocable. Mais comment l’exécuter ? Revoir Marthe ? Il n’osait pas : elle l’aimait tant ! Il préféra lui écrire et, parmi plusieurs lettres raturées et laborieuses, il envoya celle-ci, où il expliquait sa rupture de la sorte :

« … Comprenez-moi bien, ma chère Marthe : ce n’est point votre faute si je trouve le courage de vous fuir. Le coupable, c’est votre mari, votre mari qui vous possède autant et plus que moi. Or le partage m’est odieux. Vous ne l’aimez pas, dites-vous… L’acte que vous commettez avec nous deux n’en est pas moins identiquement semblable. Et il est arrivé ceci : je ne vous désire plus… »

Pourquoi ne choisit-il pas des termes moins durs et moins insolents ? Sans doute voulait-il qu’elle ne l’ennuyât pas de ses supplications. Quand on n’aime plus, le cœur se ferme à la pitié. Et, vraiment, il n’aimait plus. Il était las, abominablement las.