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Et elle connut enfin la rupture.

Un jour, Paul dit, fermement :

— Monsieur Vourdane, ma présence est inutile ici : je vous fais mes adieux.

D’un bloc, Mathilde tomba à genoux. Les deux hommes causèrent, et elle, les mains jointes, tendait vers lui ses bras désespérés. Tout son être suppliait : ses yeux voilés de pleurs, sa gorge contractée, les rides de son front, et ses doigts tremblants, et sa poitrine haletante.

— Reste, reste, mon aimé, balbutiaient ses lèvres.

— Adieu, madame, fit le jeune homme.

Elle dut répondre, à haute voix et tranquillement :

— Au revoir, monsieur Paul.

Et elle s’accrochait à ses vêtements, elle mouillait sa main de ses larmes, et, comme il s’éloignait, elle se traînait à ses genoux et lui barrait le chemin.

Alors, excédé, une rage le secouant contre cette créature affolée, il se baissa sur elle et lui monta le poing, d’un mouvement haineux.

Et c’était dans un silence de mort. Et Mathilde comprit soudain si nettement que ce silence avait tué leur amour qu’elle tenta de le rompre, quel que fût le danger. Mais elle ne le put. Les mots ne sortirent pas de sa gorge étranglée.

Et, tandis qu’il s’en allait, elle se coucha à terre. Maintenant commençait la suprême période de son martyre, la douleur de la solitude et de l’abandon. Et toujours dans le Silence, dans le formidable Silence, dans l’infâme, dans l’odieux, dans l’intolérable Silence…

MAURICE LEBLANC
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