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l’obligeait à repartir. Et, surtout, il évitait les yeux de sa maîtresse. Elle s’épuisait à chercher les siens, croyant lui rendre par son regard la passion d’autrefois. Il tournait la tête.

Et elle ne pouvait se plaindre. Là encore, le silence lui apprit une nouvelle douleur. Elle savait, elle savait qu’avec sa douce voix blessée elle eût ramené l’infidèle. Les mots qui attachent, l’accent qui apitoye et qui détend les volontés méchantes, son amour les lui eût révélés. Hélas ! elle était vouée au silence.

Elle lutta. Elle se cramponna sans orgueil à la seule consolation qu’elle eût trouvée depuis son sacrifice. Elle bégayait :

— On ne vous voit plus, monsieur Paul. C’est mal d’abandonner mon pauvre mari.

Elle imagina de lui écrire. Et, à chaque entrevue, elle avançait timidement la main pour recevoir la réponse implorée.

Paul fut implacable. Sa lassitude s’exaspérait de toutes ces récriminations. Il n’en pouvait plus. Il finissait par la détester.

Ainsi se déroula dans l’affreux silence ce misérable amour. Dans le silence, Mathilde avait connu l’ivresse des aveux, l’exaspération des étreintes, l’amertume d’être délaissée. Elle connut aussi la jalousie cruelle. Si Paul ne l’aimait plus, c’est qu’il en aimait une autre. Qui ? Comment se défendre contre une rivale dont tout le charme peut-être provenait des paroles qu’elle avait le droit d’articuler ?