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Le premier baiser s’échangea près du malade. Tandis qu’elle se penchait sur Vourdane, Paul effleura sa joue. Le lendemain, il lui prenait les lèvres, et, désormais, quand il la rencontrait à travers la chambre, il la pressait contre lui, éperdue, en quête de sa caresse.

Puis, un jour, il dit d’une voix haute : « Adieu, monsieur Vourdane », gagna la porte et l’ouvrit. Mais, la refermant, il resta dans l’intérieur. Et, là, il ne bougeait point, le bras dirigé vers elle, pour qu’elle se tût.

Enfin, lentement, pas à pas, il revint. Alors elle comprit, elle comprit. En désordre, son cœur battit à grands coups. Mon Dieu, mon Dieu ! Si l’autre entendait le bruit du parquet ! Une épouvante la clouait à sa place. Il lui semblait que chaque pas produisait un craquement formidable.

Et, soudain, afin d’étouffer le tumulte, elle se mit à chanter, à chanter très fort. Paul avançait. Et elle chantait, toujours, une vieille chanson où l’on parlait d’une bergère, et d’un roi qui la courtisait, et d’un chien qui la gardait contre le roi.

Paul la saisit et la poussa vers son lit. Elle n’eut plus la force d’articuler. Les dernières notes se traînaient, confuses.

— Pourquoi ne chantes-tu plus ? cria Vourdane durement.

Paul la couvrait de baisers et la dévêtait. Elle répliqua :

— Je suis fatiguée… je me repose.

— Chante encore un peu, lui enjoignit-il,

Et, durant l’étreinte, dans l’affolement de la possession, elle entonna, au hasard, une plaintive romance où il était question de pleurs, de reproches, de trahison, de mort…