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Elle l’aima et elle le lui dit ingénument avec ses yeux sincères. Il comprit l’aveu. Sa pitié s’émut pour la triste recluse. Il se complut au retour quotidien de cette visite où sa présence éveillait une si visible joie. Son orgueil était flatté de l’hommage naïf de ce sourire, de l’attention qu’elle prêtait à ses paroles et du chagrin que laissait son départ. Puis, peu à peu, le charme douloureux de Mathilde le conquit. Et, à son tour, il l’aima.

Ainsi qu’elle, il en fit l’aveu. Et, au mouvement des lèvres, elle devina qu’il disait :

— Je vous aime.

Elle défaillit, toute frémissante, comme si le son de ces trois mots eût frappé son oreille et brisé ses nerfs de femme.

Ils ne se quittèrent plus des yeux. Par prudence, Paul s’occupait toujours de Vourdane et ne parlait jamais à Mathilde. Mais leurs regards étaient rivés l’un à l’autre. Ils se contaient l’ivresse et la torture d’aimer, le bonheur de se voir, l’effroi des séparations, l’espérance. Ignorant la pudeur qu’engendre la précision des paroles, ils se confiaient également leurs désirs. Et Paul s’ingéniait à déchiffrer le mystère des vêtements. Et Mathilde ne rougissait pas d’offrir son corps aux yeux hardis du jeune homme.