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Enfin durant un souper — que de mensonges amoncelés pour se rendre libres ! — elles furent entraînées chacune dans une pièce, déshabillées, prises.

Elles se connaissaient depuis un mois.

Elles n’éprouvèrent aucun désespoir. Pas plus qu’elles n’avaient souffert de leur dégringolade vertigineuse, elles ne pouvaient se lamenter sur la chute irréparable. Où auraient-elles puisé la force nécessaire aux révoltes généreuses, aux remords qui purifient ? Nulle autre personne n’entendit leurs confidences. Or, elles se félicitèrent.

On loua un appartement meublé, qui servit aux deux couples, souvent le même jour, à une heure d’intervalle. Ils aimaient aussi se réunir tous quatre. On causait, on fumait, on s’embrassait. Quelles joies inexprimables !

Trois semaines après, lasses de leurs amants, elles rompirent. Le surlendemain, d’autres les possédèrent. Et de nouvelles ruptures aboutirent à de nouvelles liaisons.

Elles ne luttaient même pas. Contre quoi s’insurger ? Contre de basses tendances et d’ignominieux désirs ? Elles n’obéissaient nullement à de tels mobiles. En réalité, leur tempérament, leurs instincts, leurs principes restaient identiques, toujours sains, pondérés, honnêtes, souverainement honnêtes. Mais sur eux, comme un roc écroulé sur quelques pierres éparses, pesait une cause formidable de perversité, l’amitié de Suzanne et d’Henriette. Sentiments nobles, pré-