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Elles appelèrent leurs filles et l’on s’en alla. Suzanne reconduisit Henriette. Le monsieur les escortait. En chemin, elles se racontèrent des conquêtes de ce genre, des aventures qu’elles imaginaient au hasard, pour ne point sembler trop naïves aux yeux l’une de l’autre.

On se donna de vigoureuses poignées de main. Il fut question d’échanger des visites. Mais elles réfléchirent. Non, il valait mieux se voir en dehors de leurs maris. Quelles charmantes journées on s’offrirait ainsi dans la liberté d’entrevues clandestines ! Elles recommandèrent à leurs filles de garder le silence sur cette rencontre.

Ce n’est que le soir, dans l’intimité de leurs ménages, que leur apparut, momentanément d’ailleurs, l’anomalie de leur conduite. Somme toute, elles n’avaient cessé de mentir, de se montrer sous un aspect faux, d’afficher de viles préoccupations et une légèreté de caractère inexcusable. Pourquoi ? Pourquoi, en particulier, ces cachotteries vis-à-vis de leurs maris, subterfuge odieux qui les entraînait à implorer la complicité de leurs enfants ?

De telles contradictions les embarrassant, elles refusèrent de s’y attarder.

Le lendemain il pleuvait. Elles accoururent cependant au Parc Monceau, seules, avec l’exquise émotion de femmes coupables. La pluie rageait. L’une d’elles proposa :

— Si nous prenions une voiture ?

Elles se blottirent, toutes tremblantes, au fond d’un fiacre et se firent mener au Bois.