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Il ne put dormir. Des choses le tenaient éveillé. Ses nerfs étaient tendus à l’excès. En son cerveau s’entremêlaient des images, des phrases incomplètes, des bouts de raisonnement. Enfin, de cette confusion, des mots sortirent, qu’il prononça à haute voix :

— J’ai volé, je suis un voleur.

Et les ayant articulés, il fut surpris, car il s’attendait à quelque phénomène qu’il n’eût pu définir, et rien d’anormal ne se produisit. Aucun remords ne le hanta. Ses quarante ans de probité ne se révoltaient pas contre ce fait, contre cette minute irréparable qui bouleversait son existence.

Au fond, il ne ressentait qu’un étonnement prodigieux. Alors, ce n’était que cela ! Il repassa les détails de son acte. Une poupée le tentait, sa main s’avançait vers elle, et il s’en allait avec sa proie. Quelle chose facile ! Un peu d’adresse avait suffi pour que l’enfant fût heureuse.

Il se rappela l’autre poupée, si belle, si grande. En vérité, pourquoi ne l’avait-il pas prise de préférence ? Il en eut des regrets. Et il se dit : « Il devait y en avoir de bien plus belles et de bien plus grandes encore, que je n’ai pas vues et que j’aurais pu prendre. » Et il n’y avait pas de raison, en effet, pour qu’il ne les prît pas aussi aisément.

Son étonnement persistait. Depuis son enfance, entre le bien de ses sem-