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HORS DU MENSONGE

CONTE DE NOËL


Il revenait lentement. Les passants ne s’étaient point laissé fléchir. Sous la neige ils détestent s’arrêter, fouiller dans leur poche et sortir la main de leur manteau confortable. L’effort vraiment est par trop pénible.

Il monta l’escalier noir, entra dans la soupente où il logeait. La petite était couchée. Il faisait si froid ! D’ordinaire il l’emmenait avec lui, car elle apitoyait les gens. Mais, depuis deux jours, des frissons de fièvre la secouaient. Elle dit :

— C’est Noël, papa, t’as rien pour moi ?

Ils avaient connu des temps meilleurs, du vivant de la mère. Puis elle était morte, et, lui, peu à peu, une drôle de maladie l’avait réduit à demander l’aumône. Ses jambes devenaient molles, molles, impuissantes à le soutenir. Il répondit :

— Non, j’ai rien.

Elle se mit à pleurer. Ce chagrin le désespéra. Il aimait beaucoup sa fille, seul sentiment humain que n’eussent pas étouffé ses combinaisons de mendiant.

— C’est pas de ma faute, reprit-il.

Elle sanglota :

— T’avais promis…

Un tel reproche le remplit de honte. Il se pencha sur elle.