Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi, peu à peu, elle s’imposa comme compagne irréelle de ses rêveries. Elle participa aux exploits romanesques en lesquels l’influence du lieu et de la saison l’induisait. Les couchers de soleil, les aurores, les clairs d’étoiles furent les cadres propices où il se donna la comédie. La jeune femme s’y mouvait à son bras, serrée contre lui, bien en scène parmi la féerie des décors, les animant de sa souple et gracieuse silhouette.

En l’observant aussi, il s’offrait à table de jolies illusions, si bien qu’elle remarqua cette insistance un peu gênante et qu’elle rougissait et se décontenançait. Une fois, hardiment, elle opposa ses yeux aux siens, avec un reproche visible et comme une prière discrète. Il ne la regarda plus que furtivement, humblement.

Cette obéissance la toucha. Son aspect perdit de sa rigueur. Ils furent amis, et il devina qu’elle lui accordait sa sympathie.

Tout de suite, il se rua vers l’amour. Oui, indubitablement, il aimait. Et tout ce que comporte l’amour : insomnies, espoirs, désespoirs, incertitudes, soupirs, il en effectua le programme sans lassitude. Éloquemment, de loin, il exprimait sa peine. Il n’osait cependant l’aborder, par crainte d’être éconduit ou de paraître indélicat.

Mais il sentait que leurs âmes s’unissaient graduellement, que la sienne at-