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Je prétextai un malaise et rentrai.

Je souffrais horriblement. Une fureur haineuse me soulevait contre elle : il me semblait que j’avais été dupé comme un enfant et que mon amour s’en trouvait avili et diminué.

Au bout d’une heure, on frappa. J’ouvris. C’était elle. Très humblement, elle me dit :

— Je vous demande pardon… Je connaissais votre illusion… le courage m’a manqué pour vous en avertir… vous m’aimiez trop…

Elle attendait ma réponse, la figure anxieuse. Mais quelle réponse faire ? Savais-je ce qui se passait en moi, parmi le tumulte et les ténèbres de mon cerveau ?

Usant de la douce caresse qui m’affolait, elle m’entoura le cou de ses bras et murmura, de sa voix navrée :

— Je suis vieille, n’est-ce pas ? et cela vous importune… Je suis la grand-mère d’un de vos amis… je suis bisaïeule… Oh ! ma vieillesse, comme votre dédain me la rend lourde !

Elle disait vrai, elle disait vrai. On n’aime pas les vieilles femmes. Ma jeunesse répugnait à cette sorte d’amour incestueux. Je laissai tomber ces mots :

— Je crois que je ne vous désire plus.

Elle eut un cri de révolte :

— Tu ne me désires plus ? Tu mens, tu mens : ce n’est pas possible !

Éperdue, elle cherchait un moyen de me détromper. Soudain, ses yeux s’éclairèrent. Et, lentement, les gestes calmes, sûre de la victoire, elle enleva