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un vieux manteau méconnaissable, il se jeta sur lui comme sur une proie :

— Enfin, c’est toi ! Hein ! je te l’avais dit, vous n’en sortez pas, à la préfecture, et tu viens me chercher ? Ah ! elle est rigolote, celle-là… Morbleu ! je savais bien que vous n’auriez pas le culot de m’arrêter et que le préfet de police calmerait un peu les ardeurs intempestives de ce sacré Weber. D’abord est-ce qu’on arrête un homme dont on a besoin ? Va, dégoise. Dieu ! que tu as l’air abruti ! Mais réponds donc. Où en êtes-vous ? Vite, parle. Je vais vous régler ça en cinq sec. Montre en main, deux minutes. Tu dis ?

— Mais, patron… bredouilla Mazeroux interloqué.

— Quoi ? Faut t’arracher les paroles ! Allons-y. J’opère. Il s’agit de l’homme à la canne d’ébène, n’est-ce pas ? de celui qu’on a vu au café du Pont-Neuf, le jour où l’inspecteur Vérot a été assassiné ?

— Oui… en effet.

— Vous avez retrouvé ses traces ?

— Oui.

— Eh bien, bavarde, voyons !

— Voilà, patron. Il n’y a pas que le garçon de café qui l’avait remarqué. Il y a aussi un autre consommateur, et cet autre consommateur, que j’ai fini par découvrir, était sorti du café en même temps que notre homme, et, dehors, l’avait entendu demander à un passant « la plus proche station du métro pour aller à Neuilly ».

— Excellent, cela. Et, dans Neuilly, à force d’interroger de droite et de gauche, vous avez déniché l’artiste ?

— Et même appris son nom, patron : Hubert Lautier, avenue du Roule. Seulement, il a décampé, il y a six mois, laissant son mobilier et n’emportant qu’une malle.

— Mais à la poste ?

— Nous avons été à la poste. Un des employés a reconnu le signalement qu’on lui a fourni. Notre homme vient tous les huit ou dix jours chercher son courrier, qui, d’ailleurs, est très peu important… une lettre ou deux.

— Et ce courrier est sous son nom ?

— Sous des initiales.

— On a pu se les rappeler ?

— Oui. B. R. W. 8.

— C’est tout ?

— De mon côté, absolument tout. Mais un de mes collègues a pu établir, d’après les dépositions de deux agents de police, qu’un individu portant une canne d’ébène, à manche d’argent et un binocle d’écaille est sorti, le soir du double assassinat, de