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Moi, en prison ! mais c’est affreux… Qu’ai-je fait ? Ah ! je vous jure, vous vous trompez…

Elle se prenait la tête à deux mains.

— Ah ! mon cerveau éclate… Qu’est-ce que tout ça veut dire ? Je n’ai pas tué pourtant… je ne savais rien. C’est vous qui m’avez tout appris ce matin… Est-ce que je m’en doutais ? Mon pauvre mari… et ce petit Edmond qui m’aimait tant… et que j’aimais… Mais pourquoi les aurais-je tués ? Dites-le… Dites-le donc ? On ne tue pas sans motif… Alors… Alors… Mais répondez donc !

Et, secouée d’une nouvelle colère, l’attitude agressive, les poings tendus vers le groupe des magistrats, elle proférait :

— Vous n’êtes que des bourreaux… On n’a pas le droit de torturer une femme comme ça !… Ah ! quelle horreur ! m’accuser… m’arrêter… pour rien ! Ah ! c’est abominable… Quels bourreaux que tous ces gens ! Et c’est vous surtout (elle s’adressait à Perenna), oui, c’est vous… je le sais bien… c’est vous l’ennemi… Ah ! je comprends ça… vous avez des raisons… vous étiez là cette nuit, vous… Alors, pourquoi ne vous arrête-t-on pas ? Pourquoi n’est-ce pas vous, puisque vous étiez là… et que je n’y étais pas… et que je ne sais rien, absolument rien de tout ce qui s’est passé ?… Pourquoi n’est-ce pas vous ?

C’est fait, monsieur, dit-elle.

Les derniers mots furent prononcés d’une façon à peine intelligible. Elle n’avait plus de forces. Elle dut s’asseoir. Sa tête s’inclina jusqu’à ses genoux et elle pleura de nouveau, abondamment.

Perenna s’approcha d’elle, et, lui relevant le front, découvrant la figure ravagée de larmes, il dit :

— Les empreintes gravées dans les deux pommes sont absolument identiques. Il est donc hors de doute que la première provient de vous comme la seconde.

– Non, dit-elle.

– Si, affirma-t-il. C’est là un fait qu’il