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Ses investigations aboutirent à la découverte de traces sur le gravier, trop confuses pour que l’on pût reconstituer la forme des chaussures qui les y avaient faites, assez précises cependant pour que l’hypothèse de Perenna fût confirmée : les bandits avaient passé par là.

Tout à coup, il eut un mouvement de joie. Contre la bordure de l’allée, entre les feuilles d’un petit massif de rhododendrons, il avait aperçu quelque chose de rouge qui l’avait frappé.

Il se baissa.

C’était une pomme, la quatrième pomme, celle dont il avait remarqué l’absence dans le compotier.

« Parfait, se dit-il, Hippolyte Fauville ne l’a pas mangée. C’est l’un d’eux qui l’aura emportée… Une fantaisie… une fringale soudaine… et elle aura roulé de sa main sans qu’il ait eu le temps de la rechercher. »

Il ramassa le fruit et l’examina.

— Ah ! fit-il en tressaillant, est-ce possible ?

Il restait interdit, saisi d’une véritable émotion, n’admettant pour ainsi dire point la chose inadmissible qui s’offrait cependant à ses yeux avec l’évidence même de la réalité. On avait mordu dans la pomme, dans la pomme trop acide pour qu’on pût la manger. Et les dents avaient laissé leur empreinte !

— Est-ce possible ? répétait don Luis, est-ce possible que l’un d’eux ait commis une pareille imprudence ? Il faut que la pomme soit tombée à son insu… ou qu’il n’ait pu la retrouver au milieu des ténèbres.

Il n’en revenait pas et cherchait des explications. Mais le fait était là. Deux rangées de dents, trouant en demi-cercle la mince pellicule rouge, avaient laissé dans la pulpe même leur morsure bien nette et bien régulière. Il y en avait six en haut, tandis qu’en bas cela s’était fondu en une seule ligne courbe.

— Les dents du tigre !… murmurait Perenna, qui ne pouvait détacher son regard de cette double empreinte. Les dents du tigre ! celles qui s’inscrivaient déjà sur la tablette de l’inspecteur Vérot ! Quelle coïncidence ! Peut-on supposer qu’elle soit fortuite ? Ne doit-on pas admettre comme certain que c’est la même personne qui a mordu dans ce fruit et qui avait marqué la tablette que l’inspecteur Vérot appor-