Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

apparut, Mazeroux fit passer sa carte.

Hippolyte Fauville les reçut tous deux dans son cabinet. La table était encombrée de brochures, de livres et de papiers. On voyait, sur deux pupitres soutenus par de hauts chevalets, des épures et des dessins, et, dans deux vitrines, des réductions en ivoire et en acier d’appareils construits ou inventés par l’ingénieur. Un large divan s’étalait contre le mur. À l’opposé se trouvait un escalier tournant qui montait à une galerie circulaire. Au plafond, un lustre électrique. Au mur, le téléphone.

Tout de suite, Mazeroux, après avoir décliné son titre et présenté son ami Perenna comme envoyé également par le préfet de police, exposa l’objet de leur démarche. M. Desmalions, sur des indices très graves dont il venait d’avoir connaissance, s’inquiétait. Sans attendre l’entretien du lendemain, il priait M. Fauville de prendre toutes les précautions que lui conseilleraient ses agents.

Fauville montra d’abord une certaine humeur.

— Mes précautions sont prises, messieurs, et bien prises. Et je craindrais, d’autre part, que votre intervention ne fût pernicieuse.

— En quoi donc ?

— En éveillant l’attention de mes ennemis, et en m’empêchant, par là même, de recueillir les preuves dont j’ai besoin pour les confondre.

— Pouvez-vous m’expliquer ?

— Non, je ne peux pas… Demain, demain matin… pas avant.

— Et s’il est trop tard, interrompit don Luis Perenna.

— Trop tard, demain ?

— L’inspecteur Vérot l’a dit au secrétaire de M. Desmalions : « Le double assassinat aura lieu cette nuit. C’est fatal, c’est irrévocable. »

— Cette nuit ? s’écria Fauville, avec colère… Je vous dis que non, moi. Pas cette nuit, j’en suis sûr… Il y a des choses que je sais, n’est-ce pas ? et que vous ne savez pas…

— Oui, objecta don Luis, mais il y a peut-être aussi des choses que savait l’inspecteur Vérot et que vous ignorez. Il avait peut-être pénétré plus avant dans le secret de vos ennemis. La preuve, c’est qu’on se méfiait de lui. La preuve, c’est qu’un individu, porteur d’une canne d’ébène, l’espionnait. La preuve, enfin, c’est qu’il a été tué.

L’assurance d’Hippolyte Fauville dimi-