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plis. Superbes plantes ornementales, dressées comme des hampes de drapeaux, elles portent orgueilleusement des épis entrecroisés aux couleurs bleue, violette, mauve, rose, blanche, et justifient le nom qu’il a donné à son domaine, le « Clos des lupins ».

Toutes les variétés du lupin s’y trouvent, le lupin de Cruikshanks, le lupin bigarré, le lupin odorant, et le dernier paru, le lupin de Lupin.

Ils sont tous là, magnifiques, serrés les uns contre les autres comme les soldats d’une armée, chacun d’eux s’efforçant de dominer et d’offrir au soleil l’épi le plus abondant et le plus resplendissant. Ils sont tous là, et, au seuil de l’allée qui conduit à leur champ multicolore, une banderole porte cette devise, tirée d’un beau sonnet de José-Maria de Heredia :

Et dans mon potager foisonne le lupin.

C’est donc un aveu ? Pourquoi pas ? N’a-t-il pas dit, dans une récente interview :

— Je l’ai beaucoup connu. Ce n’était pas un méchant homme. Je n’irai pas jusqu’à l’égaler aux sept sages de la Grèce, ni même à le proposer comme exemple aux générations futures. Mais cependant il faut le juger avec une certaine indulgence. Il fut excessif dans le bien et mesuré dans le mal. Ceux qui souffrirent par lui méritaient leur peine, et le destin les eût châtiés un jour ou l’autre s’il n’avait eu la précaution de prendre les devants. Entre un Lupin qui choisissait ses victimes dans la tourbe des mauvais riches, et tel grand financier qui dévalise et jette dans la misère la foule des petites gens, tout l’avantage ne revient-il pas à Lupin ? Et, d’autre part, quelle abondance de bonnes actions ! Quelles preuves de générosité et de désintéressement ! Cambrioleur ? Je l’avoue. Escroc ? Je ne le nie pas. Il fut tout cela. Mais il fut bien autre chose que cela. Et s’il amusa la galerie par son