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— Oui, cette automobile s’est arrêtée à Versailles. Les personnes qui l’occupaient ont loué une autre voiture qui doit les conduire à Nantes. En plus de cette réponse, que demandez-vous ?

— La clé des champs, monsieur le président.

— Tout de suite, bien entendu ? fit Valenglay, qui se mit à rire.

— Dans quarante ou cinquante minutes au plus.

— À huit heures et demie, n’est-ce pas ?

— Dernière limite, monsieur le président.

— Et pourquoi la clef des champs ?

— Pour rejoindre l’assassin de Cosmo Mornington, de l’inspecteur Vérot et de la famille Roussel.

— Vous seul pouvez donc le rejoindre ?

— Oui.

— Cependant la police est sur pied. Le télégraphe marche. L’assassin ne sortira pas de France. Il ne nous échappera certainement pas.

— Vous ne pourrez pas le découvrir.

— Nous le pourrons.

— En ce cas, il tuera Florence Levasseur. Ce sera la septième victime du bandit. Vous l’aurez voulu.

Valenglay fit une petite pause, puis reprit :

— Selon vous, contrairement à toutes les apparences, et contrairement aux soupçons très motivés de M. le préfet de police, Florence Levasseur est innocente ?

— Oh ! absolument innocente, monsieur le président.

— Et vous la croyez en danger de mort ?

— Elle est en danger de mort.

— Vous aimez Florence Levasseur ?

— Je l’aime.

Valenglay eut un petit frisson de joie. Lupin amoureux ! Lupin agissant par amour, et avouant son amour ! Quelle aventure passionnante !

Il dit :

— J’ai suivi l’affaire Mornington jour par jour, et nul détail ne m’en est inconnu. Vous avez accompli des prodiges, monsieur. Il est évident que sans vous cette affaire ne serait jamais sortie des ténèbres du début. Mais cependant, je dois noter qu’il y a eu quelques fautes. Et ces fautes, qui m’étonnaient de votre part, s’expliquent plus facilement quand on sait que l’amour était le principe et le but de vos actes. D’autre part, et malgré votre affirmation, la conduite de Florence Levasseur, son titre d’héritière, son évasion imprévue de la maison de santé, nous laissent peu de doute sur le rôle qu’elle joue.