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— Caché ? fit M. Desmalions qui s’irritait de plus en plus.

— Non, mais évanoui, malade… mort peut-être.

— Mais où ? que diable !

— Derrière ce paravent.

— Il n’y a rien derrière ce paravent, rien qu’une porte.

— Et cette porte ?

— Donne sur un cabinet de toilette.

— Eh bien, monsieur le préfet, l’inspecteur Vérot, étourdi, titubant, croyant passer de votre bureau dans celui de votre secrétaire, est tombé dans ce cabinet de toilette.

M. Desmalions se précipita, mais, au moment d’ouvrir la porte, il eut un geste de recul. Était-ce appréhension ? désir de se soustraire à l’influence de cet homme stupéfiant qui donnait des ordres avec tant d’autorité et qui semblait commander aux événements eux-mêmes ? Don Luis demeurait imperturbable, en une attitude pleine de déférence.

— Je ne puis croire…, dit M. Desmalions.

— Monsieur le préfet, je vous rappelle que les révélations de l’inspecteur Vérot peuvent sauver la vie à deux personnes qui doivent mourir cette nuit. Chaque minute perdue est irréparable.

M. Desmalions haussa les épaules. Mais cet homme le dominait de toute sa conviction. Il ouvrit.

Il ne fit pas un mouvement, il ne poussa pas un cri. Il murmura simplement :

— Oh ! est-ce possible !…

À la lueur pâle d’un peu de jour qui entrait par une fenêtre aux vitres dépolies, on apercevait le corps d’un homme qui gisait à terre.

— L’inspecteur… l’inspecteur Vérot… balbutia l’huissier qui s’était élancé.

Avec l’aide du secrétaire, il put soulever le corps et l’asseoir sur un fauteuil du cabinet de travail.

L’inspecteur Vérot vivait encore, mais si faiblement qu’on entendait à peine les battements de son cœur. Un peu de salive coulait au coin de sa bouche. Les yeux n’avaient pas d’expression. Cependant certains muscles du visage remuaient, peut-être sous l’effort d’une volonté qui persistait, au-delà de la vie aurait-on pu dire.

Don Luis murmura :

— Regardez, monsieur le préfet… les taches brunes…

Une même épouvante bouleversa les as-