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Mais aux dernières marches, une telle joie le secouait qu’il s’exclama :

— Victoire ! la route est libre.

La porte de la petite pièce se trouvait en face. Il l’ouvrit en répétant :

— Victoire ! Mais pas une seconde à perdre. Suivez-moi.

Il entra. Un juron s’étrangla dans sa gorge. La pièce était vide.

— Quoi ! balbutia-t-il… Qu’est-ce que cela signifie ?… Ils sont partis… Florence…

Certes, si invraisemblable que fût l’hypothèse, il avait supposé jusqu’ici que Sauverand possédait une fausse clef de la serrure. Mais comment avaient-ils pu s’enfuir tous deux, au milieu des agents ? Il regarda autour de lui. Et, tout de suite, il comprit. Dans le renfoncement où se trouvait la fenêtre, la partie basse du mur, qui formait comme un coffre très large au-dessous de la croisée, avait sa boiserie supérieure soulevée et appuyée contre les carreaux, précisément comme le couvercle d’un coffre. Et, à l’intérieur du coffre ouvert, on apercevait les premiers échelons d’un escalier à claire-voie, très étroit, et qui descendait…

En une seconde, don Luis évoqua toute l’aventure d’autrefois, l’aïeule de son prédécesseur le comte Malonesco, cachée dans le vieil hôtel de la famille, échappant aux recherches des perquisiteurs et vivant ainsi durant la tourmente révolutionnaire. Tout s’expliquait. Un passage, pratiqué dans l’épaisseur même du mur, conduisait à quelque issue lointaine. Et c’est ainsi que Florence allait et venait à travers l’hôtel, et que Gaston Sauverand entrait et sortait en toute sécurité. Et c’est ainsi que l’un et l’autre pouvaient pénétrer dans sa chambre et surprendre ses secrets.

« Pourquoi ne m’avoir rien dit ? se demanda-t-il. Par défiance ? »

Mais, sur la table, un papier attira ses yeux. D’une main fébrile, Gaston Sauverand avait tracé ces lignes :

« Nous tentons de fuir pour ne pas vous compromettre. Si nous sommes pris, tant pis. L’essentiel, c’est que vous soyez libre. Tout notre espoir est en vous. »

Sous ces lignes, il y avait deux mots, écrits par Florence :

« Sauvez Marie-Anne. »

— Ah ! murmura-t-il, déconcerté par ce dénouement, et ne sachant à quelle décision s’arrêter, pourquoi ne m’ont-ils pas obéi ? Nous voilà séparés, maintenant…

En bas, les policiers démolissaient la porte du couloir où ils étaient emprison-