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siles de ménage et le linge sale. Don Luis y porta Mazeroux et, l’ayant assis confortablement par terre, le dos appuyé à un coffre, il lui enfonça son mouchoir dans la bouche, le bâillonna avec une serviette, et lui lia les chevilles et les poignets avec deux nappes, dont les autres bouts furent fixés à des clous solides.

Comme Mazeroux sortait de son engourdissement, il lui dit :

— Je crois que tu as tout ce qu’il faut… nappes… serviettes… une poire dans la bouche pour apaiser ta faim. Mange tranquillement. Par là-dessus, une petite sieste, et tu seras frais comme une rose.

Il l’enferma, puis, consultant sa montre :

— J’ai une heure devant moi. C’est parfait.

À cette minute, son intention était celle-ci : injurier Florence, lui cracher à la figure toutes ses infamies et tous ses crimes, et, par là même, obtenir d’elle des aveux écrits et signés. Après, le salut de Marie-Anne étant assuré, il verrait. Peut-être jetterait-il Florence au fond de son auto, et l’emporterait-il vers quelque refuge où, la jeune fille lui servant d’otage, il pèserait sur la justice. Peut-être… Mais, il ne cherchait pas à prévoir les événements. Ce qu’il voulait, c’était l’explication immédiate, violente.

Il avait couru jusqu’à sa chambre, au second étage. Il s’y plongea la figure dans l’eau froide. Jamais il n’avait éprouvé une pareille excitation de tout son être, un pareil déchaînement de ses instincts aveugles.

— C’est elle ! Je l’entends balbutia-t-il… Elle est au bas de l’escalier. Enfin ! quelle volupté de la tenir devant moi Face à face ! tous deux seuls !

Il était revenu sur le palier, devant le boudoir. Il tira la clef de sa poche. La porte s’ouvrit.

Il poussa un cri terrible.

Gaston Sauverand était là.

Dans la chambre close, debout, les bras croisés, Gaston Sauverand l’attendait !


IX. — Sauverand s’explique.

Gaston Sauverand !

Instinctivement, don Luis recula et sortit son revolver, qu’il braqua sur le bandit.

— Haut les mains, ordonna-t-il… haut les mains, ou je fais feu !

Sauverand ne parut pas se troubler. D’un signe de tête, il montra deux revolvers qu’il avait déposés sur une table, hors de sa portée, et il dit :

— Voici mes armes. Je ne viens pas