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de la chambre. On lui a mis la camisole de force. Mais elle refuse toute nourriture. Mon devoir est de la sauver.

— Comment ?

— En livrant la vraie coupable. J’avertis le juge d’instruction, et, ce soir, je vous amène Florence Levasseur, morte ou vive.

— Et Sauverand ?

— Sauverand ! ça ne tardera pas. À moins…

— À moins ?

— À moins que je ne l’exécute moi-même, le forban.

— Patron !

— La barbe !

Il y avait près d’eux des journalistes qui venaient aux informations. On le reconnut. Il leur dit :

— Vous pouvez annoncer, messieurs, que, à partir d’aujourd’hui, je prends la défense de Marie-Anne Fauville et me consacre entièrement à sa cause.

On se récria. N’était-ce pas lui qui avait fait arrêter Mme Fauville ? N’était-ce pas lui qui avait réuni contre elle un faisceau de preuves irrécusables ?

— Ces preuves, dit-il, je les détruirai une à une. Marie-Anne Fauville est la victime de misérables qui ont ourdi contre elle la plus diabolique des machinations, et que je suis sur le point de livrer à la justice.

— Mais les dents ? l’empreinte des dents ?

— Coïncidence ! Coïncidence inouïe, mais qui m’apparaît aujourd’hui comme la preuve d’innocence la plus forte. Je mets en fait que si Marie-Anne Fauville avait été assez habile pour commettre tous ces crimes, elle l’eût été également pour ne pas laisser derrière elle un fruit marqué par la double marque de ses dents.

— Néanmoins…

— Elle est innocente ! Et c’est cela que je vais dire au juge d’instruction. Il faut qu’on la prévienne des efforts tentés en sa faveur. Il faut qu’on lui donne tout de suite de l’espoir. Sinon, la malheureuse se tuera, et sa mort pèsera sur tous ceux qui auront accusé une innocente. Il faut…

À ce moment, il s’interrompit. Ses yeux s’étaient fixés sur un des journalistes qui, un peu à l’écart, l’écoutait en prenant des notes…

Il dit tout bas à Mazeroux :

— Est-ce que tu pourrais savoir le nom de ce type-là ? Je ne sais où diable je l’ai rencontré.

Mais un huissier avait ouvert la porte du juge d’instruction, lequel, sur la pré-