Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nault avait été probablement assassiné, à l’instant où le hasard, en l’amenant dans la grange-aux-pendus, selon son expression, le mettait en face de deux squelettes, Florence surgissait, vision de meurtre, génie malfaisant que l’on voyait partout où la mort avait passé, partout où il y avait du sang, des cadavres…

— Ah ! l’horrible créature ! murmurait-il en frémissant… Est-ce possible qu’elle ait un visage si noble ?… Et des yeux, des yeux dont on ne peut pas oublier la beauté grave, sincère, presque naïve…

Sur la place de l’église, devant l’auberge, Mazeroux, de retour, emplissait le réservoir d’essence et allumait les phares. Don Luis avisa le maire de Formigny qui traversait la place. Il le prit à part :

— À propos, monsieur le maire, est-ce que vous avez entendu parler dans la région, il y a peut-être deux ans, de la disparition d’un ménage âgé de quarante ou cinquante ans ? Le mari s’appelait Alfred…

— Et la femme, Victorine, n’est-ce pas ? interrompit le maire. Je crois bien. L’histoire a fait assez de bruit. C’étaient des petits rentiers d’Alençon qui ont disparu du jour au lendemain sans que jamais, depuis, on ait pu savoir ce qu’ils sont devenus — pas plus d’ailleurs que leur magot, une vingtaine de mille francs qu’ils avaient réalisés, la veille, sur la vente de leur maison… Si je me rappelle ! Les époux Dedessuslamare !…

— Je vous remercie, monsieur le maire, dit Perenna, à qui le renseignement suffisait.

L’automobile était prête. Une minute plus tard, il filait sur Alençon, avec Mazeroux.

— Où allons-nous, patron ? demanda le brigadier.

— À la gare. J’ai tout lieu de croire : 1o que Gaston Sauverand a eu connaissance dès ce matin — comment ? nous le saurons un jour ou l’autre — des révélations faites cette nuit par Mme Fauville, relativement au bonhomme Langernault ; 2o qu’il est venu rôder aujourd’hui autour du domaine et dans le domaine du bonhomme Langernault, pour des motifs que nous saurons également un jour ou l’autre. Or, je suppose qu’il est venu par le train et que c’est par le train qu’il s’en retourne.

La supposition de Perenna reçut une confirmation immédiate. À la gare, on lui dit qu’un monsieur et une dame étaient arrivés de Paris à deux heures, qu’ils avaient loué un cabriolet à l’hôtel voisin, et que,