Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’y avait rien à tenter contre un pareil obstacle, je résolus tout simplement, puisque j’avais le téléphone à ma disposition, de demander l’assistance d’un de mes amis. Je téléphonai donc au commandant d’Astrignac. Il accourut, et, avec l’aide du maître d’hôtel, me délivra. C’est bien ce qu’on vous a raconté ?

— Oui, monsieur. Je m’étais retirée dans ma chambre, ce qui explique que je n’ai rien su de l’incident, ni de la visite du commandant d’Astrignac.

— Soit. Cependant, il résulte de ce que j’ai appris depuis que le maître d’hôtel, et que tout le monde ici d’ailleurs, et vous-même par conséquent, connaissiez l’existence de ce rideau de fer.

— Certes.

— Et par qui ?

— Par le comte Malonesco. Je tiens de lui que, durant la Révolution, son arrière-grand-mère maternelle resta cachée treize mois dans ce réduit. À cette époque le rideau était recouvert d’une boiserie semblable à celle de la pièce.

— Il est regrettable qu’on ne m’ait pas averti, car enfin il s’en est fallu de bien peu que je ne sois écrasé.

Cette éventualité ne parut pas émouvoir la jeune fille. Elle prononça :

— Il sera bon de vérifier le mécanisme et de voir pour quelle raison il s’est déclenché. Tout cela est vieux et fonctionne mal.

— Le mécanisme fonctionne parfaitement bien. Je m’en suis assuré. On ne peut donc accuser le hasard.

— Qui alors, si ce n’est le hasard ?

— Quelque ennemi que j’ignore.

— On l’aurait vu.

— Une seule personne aurait pu le voir, vous, vous qui passiez précisément dans mon bureau tandis que je téléphonais, et dont j’avais surpris l’exclamation de frayeur à propos de Mme Fauville.

— Oui, la nouvelle de son suicide m’avait donné un coup. Je plains cette femme infiniment, qu’elle soit coupable ou non.

— Et comme vous vous trouviez à côté de la baie, la main à portée du mécanisme, la présence d’un malfaiteur n’eût pu vous échapper.

Elle ne baissa pas le regard. Un peu de rougeur effleura son visage. Elle dit :

— En effet, je l’aurais tout au moins rencontré, puisque je suis sortie, d’après ce que je vois, quelques secondes avant l’accident.

— Sûrement, dit-il. Mais ce qu’il y a de curieux… d’invraisemblable, c’est que vous