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aussitôt elle s’arrêta et demeura immobile, les pattes tendues, toutes raides. Un frisson la secoua. Elle eut un gémissement, tourna deux ou trois fois sur elle et tomba.

— Elle est morte, dit-il après avoir touché la bête.

Mlle Levasseur l’avait rejoint. Il se tourna vers la jeune fille et lui jeta :

— C’était vrai, le poison… et vous le saviez… Mais comment le saviez-vous ?

Tout essoufflée, elle comprima les battements de son cœur et répondit :

— J’ai vu l’autre petite chienne en train de boire, dans l’office. Elle est morte… J’ai averti le chauffeur et le cocher… Ils sont là dans l’écurie… Et j’ai couru pour vous prévenir.

— Alors, il n’y avait pas à douter. Pourquoi disiez-vous que vous n’étiez pas certaine qu’il y eût du poison, puisque…

Le cocher, le chauffeur, sortaient de l’écurie. Entraînant la jeune fille, Perenna lui dit :

— Nous avons à parler. Allons chez vous.

Ils regagnèrent le tournant du couloir. Près de l’office où le filtre était installé, se détachait un autre corridor terminé par trois marches. Au haut de ces marches, une porte.

Perenna la poussa : c’était l’entrée de l’appartement réservé à Mlle Levasseur. Ils passèrent dans un salon. Don Luis ferma la porte de l’entrée, ferma la porte du salon.

— Et maintenant, expliquons-nous, dit-il d’un ton résolu.


VI. — Shakespeare, tome huit.

Deux pavillons, d’époque ancienne comme le reste de l’hôtel, flanquaient, à droite et à gauche, le mur assez bas qui s’élevait entre la cour d’honneur et la place du Palais-Bourbon. Ces pavillons étaient reliés au corps de logis principal, situé dans le fond de la cour, par une série de bâtiments dont on avait fait les communs. D’un côté les remises, écurie, sellerie, garage, et au bout le pavillon des concierges. De l’autre côté les lingeries, cuisines, offices, et au bout le pavillon réservé à Mlle Levasseur.

Celui-ci n’avait qu’un rez-de-chaussée, composé d’un vestibule obscur et d’une grande pièce, dont la partie la plus importante servait de salon, et dont l’autre, disposée en chambre, n’était en réalité qu’une sorte d’alcôve. Un rideau cachait le lit et la toilette. Deux fenêtres donnaient sur la place du Palais-Bourbon.