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Ermeline, Élisabeth et Armande Roussel, habitaient Saint-Étienne avec un cousin germain du nom de Victor, plus jeune de quelques années.

« L’aînée, Ermeline, quitta Saint-Étienne la première pour suivre à Londres un Anglais du nom de Mornington, qu’elle devait épouser et dont elle eut un fils qui reçut le prénom de Cosmo. Le ménage était pauvre et traversa de rudes épreuves. Plusieurs fois, Ermeline écrivit à ses sœurs pour leur demander quelques secours. Ne recevant pas de réponse, elle cessa toute correspondance. Vers 1875, M.  et Mme Mornington partirent pour l’Amérique. Cinq ans plus tard, ils étaient riches. M. Mornington mourut en 1883, mais sa femme continua de gérer la fortune qui lui était léguée, et comme elle avait le génie de la spéculation et des affaires elle porta cette fortune à un chiffre colossal. Quand elle décéda, en 1905, elle laissait à son fils la somme de 400 millions. »

Le chiffre parut faire quelque impression sur les assistants. Le préfet ayant surpris un regard entre le commandant et don Luis Perenna, leur dit :

— Vous avez connu Cosmo Mornington, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur le préfet, répliqua le comte d’Astrignac. Il séjournait au Maroc quand nous y combattions, Perenna et moi.

— En effet, reprit M. Desmalions, Cosmo Mornington s’était mis à voyager. Il s’occupait de médecine, m’a-t-on dit, et donnait ses soins, lorsque l’occasion s’en présentait, avec beaucoup de compétence, et gratuitement bien entendu. Il habita l’Égypte, puis l’Algérie et le Maroc, et, à la fin de 1914, passa en Amérique pour y soutenir la cause des Alliés. L’année dernière, après l’armistice, il s’établit à Paris. Il y est mort voici quatre semaines, à la suite de l’accident le plus stupide.

— Une piqûre mal faite, n’est-ce pas, monsieur le préfet ? dit le secrétaire d’ambassade des États-Unis. Les journaux ont parlé de cela, et nous-mêmes, à l’ambassade, nous avons été prévenus.