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qu’Angélique ne put s’empêcher de sourire, et elle lui dit :

« Je suis votre femme devant Dieu. »

Elle le regardait avec un regard où il n’y avait ni mépris ni hostilité, et point même de colère, et il se rendit compte qu’elle oubliait de considérer en lui le bandit et le malfaiteur, pour ne penser qu’à l’homme qui était son mari et auquel le prêtre l’avait liée jusqu’à l’heure suprême de la mort.

Il fit un pas vers elle et l’observa plus profondément. Elle ne baissa pas les yeux d’abord. Mais elle rougit. Et jamais il n’avait vu un visage plus touchant, empreint d’une telle dignité. Il lui dit, comme au premier soir de Paris :

« Oh ! vos yeux… vos yeux calmes et tristes… et si beaux ! »

Elle baissa la tête et balbutia :

« Allez-vous-en… allez-vous-en. »

Devant son trouble, il eut l’intuition subite des sentiments plus obscurs qui la remuaient et qu’elle ignorait elle-même. Dans cette âme de vieille fille dont il connaissait l’imagination romanesque, les rêves inassouvis, les lectures surannées, ne représentait-il pas soudain, en cette minute exceptionnelle, et par suite des circonstances anormales de leurs rencontres, quelque chose de spécial, le héros à la Byron, le bandit romantique et chevaleresque ? Un soir, malgré les obstacles, aventurier fameux, ennobli déjà par la légende, grandi par son audace, un soir, il était entré chez elle, et il lui avait passé au doigt l’anneau nuptial. Fiançailles mystiques et passionnées, telles qu’on en voyait au temps du Corsaire et d’Hernani