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Planté sur ses jambes de paille qu’enveloppaient des lambeaux d’étoffe effiloqués, les bras et tout le corps habillés de même, la tête bandée de linge, ligoté, serré, boudiné, le bonhomme avait encore l’apparence rigide d’un mannequin. Et c’était si comique, si imprévu, que les assistants pouffaient de rire.

L’étranger lui dégagea la tête, et l’on aperçut un masque de barbe grise ébouriffée, rabattue de tous côtés sur un visage de squelette où luisaient des yeux de fièvre.

Les rires redoublèrent.

« L’argent ! Les six billets ! » ordonna le fermier.

L’étranger le tint à distance.

« Un moment… on va vous rendre cela. N’est-ce pas, père Traînard ? »

Et, tout en coupant avec son couteau les liens de paille et d’étoffe, il plaisantait :

« Mon pauvre bonhomme, t’en as une touche. Mais comment as-tu réussi ce coup-là ? Il faut que tu sois diantrement habile, ou plutôt que tu aies eu une sacrée venette !… Alors, comme ça, la première nuit, tu as profité du répit qu’on te laissait pour t’introduire dans cette défroque ? Pas bête. Un épouvantail, comment aurait-on pu avoir l’idée ?… On avait tellement l’habitude de le voir accroché à son arbre. Mais, mon pauvre vieux, ce que tu devais être mal ! à plat ventre ! les jambes et les bras pendants ! toute la journée comme ça ! Fichue position ! Et quelles manœuvres pour risquer un mouvement, hein ? Quelle frousse quand tu t’endormais ! Et il fallait manger ! Et il fallait boire ! Et tu entendais la sentinelle ! et tu devinais le canon de son fusil à un