Il ôta les verrous et revint à la chambre de Jeanne. Le docteur, qui en sortait, l’entraîna vers la petite salle.
« Elle dort, ne la dérangeons pas. La secousse a été rude, et il lui faudra du temps pour se remettre. »
Lupin prit une carafe et but un verre d’eau. Puis il s’assit et, paisiblement :
« Bah ! demain il n’y paraîtra plus.
— Que dites-vous ?
— Je dis que demain il n’y paraîtra plus.
— Et pourquoi ?
— D’abord parce qu’il ne m’a pas semblé que Mlle Darcieux éprouvât pour son père une affection très grande…
— Qu’importe ! Pensez à cela… un père qui veut tuer sa fille ! un père qui, pendant des mois, recommence quatre, cinq, six fois, sa tentative monstrueuse ?… Voyons, n’y a-t-il pas là de quoi flétrir à jamais une âme moins sensible que celle de Jeanne ? Quel souvenir odieux !
— Elle oubliera.
— On n’oublie pas cela.
— Elle oubliera, docteur, et pour une raison très simple…
— Mais parlez donc !
— Elle n’est pas la fille de M. Darcieux !
— Hein !
— Je vous répète qu’elle n’est pas la fille de ce misérable.
— Que dites-vous ? M. Darcieux…
— M. Darcieux n’est que son beau-père. Elle venait de naître quand son père, son vrai père est mort. La mère de Jeanne épousa alors un cousin de son mari, qui portait le même nom