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vous le sachiez… et que vous ayez consenti à m’écouter… et je vous dis tout, mon amour, ma peine infinie, mon chagrin de ne plus vous voir et mon dernier adieu, puisque tout est fini et que c’est la minute horrible… Ah ! je vous aime… je vous aime… Donnez-moi la clef ! (Les mots ont grisé Marceline, le son de cette voix, l’étrangeté de la scène, tout l’a bouleversée. C’est un instant de vertige où elle perd conscience de la réalité. À son insu, presque, elle se laisse prendre la clef)

LUPIN. – Merci… Oh ! merci… (Il se relève triomphant et murmure :) ouf ! ça y est ! (Il va vers la porte, mais au moment d’introduire la clef il se retourne et il voit Marceline, la tête entre ses mains. Il s’arrête, réfléchit, devine ce qui s’est passé en elle, et revient, très ému, à son tour.) Ne dites rien, je vous en supplie (un temps) et pardonnez-moi… (L’attitude embarrassée, la voix émue :) Il y a la vie… vous ne pouvez pas savoir… les circonstances qui vous poussent à droite, à gauche… à gauche surtout, et puis, un jour, on se trouve en face de deux yeux comme les vôtres, qui vous regardent… alors…

MARCELINE, inquiète. – Allez-vous-en !

LUPIN. – Je ne veux pas vous voler votre sympathie, je ne veux pas vous laisser je ne sais quelle image d’amoureux héroïque. Oubliez toutes les paroles que je vous ai dites, ce sont des mensonges, un vilain rôle que je jouais.

MARCELINE. – Allez-vous-en ! Allez-vous-en !

LUPIN. – Ah ! que la vie est bête, je me sens honnête à vous regarder… il est temps que je m’en aille. (Il se dirige vers la porte de l’escalier des modèles, et, vivement :) Trop tard !

MARCELINE. – Quoi ?

LUPIN. – Vous voyez ! Il ne faut pas trop m’en vouloir si j’ai menti pour avoir cette clef, votre joli geste de me la donner m’a rendu sincère, la sincérité est un luxe… Voilà votre clef, je ne peux plus m’en servir.

MARCELINE, inquiète. – Vous êtes fou ! Il est temps encore… Ah ! mon Dieu ! c’est vrai, j’entends !

LUPIN. – Non, non, ce n’est rien !

MARCELINE, joyeuse. – Ah !

LUPIN. – Mais non, c’est la police.

MARCELINE va se placer à côté de la table, côté gauche. – Mon Dieu !

DIMBLEVAL, rentrant avec Marescot. – Ah ! ça, mais… qu’est-ce que ça veut dire ? (Lupin détache ses yeux de Marceline, regarde la porte des modèles, consulte sa montre et fait un geste d’agacement.)

DIMBLEVAL. – Qui êtes-vous, Monsieur ?