Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

forçait, au moins pour ce petit monde de l’ambulance, de n’être que la sœur charitable qu’on appelle par son prénom. Soupçonnant les infamies dont elle était entourée, elle reniait le nom de son mari et cachait le lieu de sa demeure. Et les obstacles que sa volonté et que sa pudeur accumulaient la défendaient si bien que Patrice n’osait approcher d’elle.

— Ah mais ! ah mais ! se dit-il, cloué au seuil de la porte, et regardant la jeune femme de loin, sans être vu d’elle, je ne vais pas cependant lui faire tenir ma carte !

Il se déterminait à entrer lorsqu’une femme, qui avait monté l’escalier en parlant assez fort, s’écria, près de lui :

— Où est madame ?… Il faut qu’elle vienne tout de suite, Siméon…

Le vieux Siméon, qui était monté aussi, désigna Coralie au fond de la salle, et la femme s’élança.

Elle dit quelques mots à Coralie, qui sembla bouleversée et qui se mit à courir vers la porte, passa devant Patrice et descendit l’escalier rapidement, suivie de Siméon et de la femme.

— J’ai une auto, madame, balbutiait celle-ci, essoufflée. J’ai eu la chance de trouver une auto en sortant de la maison et je l’ai gardée. Dépêchons-nous, madame… Le commissaire de police m’a ordonné…

Patrice, qui descendait également, n’entendit plus rien, mais ces derniers mots le décidèrent. Il saisit Ya-Bon au passage et tous deux sautèrent dans une automobile dont le chauffeur reçut comme consigne de suivre l’auto de Coralie.