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— Pas la lettre ! Mais c’est effrayant. Alors tu ne sais pas ?…

Un cri rauque heurta l’oreille de Patrice, puis au bout de la ligne il entendit des sons incohérents, le bruit d’une discussion. Puis la voix sembla se coller à l’appareil, et il la perçut distinctement qui bégayait :

— Trop tard… Patrice… c’est toi ?… Écoute, le médaillon d’améthyste… oui, je l’ai sur moi… le médaillon… Ah ! trop tard… j’aurais tant voulu ! Patrice… Coralie… Patrice… Patrice…

Puis un grand cri de nouveau, un cri déchirant, et des clameurs plus lointaines où Patrice crut discerner : « Au secours… au secours… Oh ! l’assassin, le misérable… » clameurs qui s’affaiblirent peu à peu. Ensuite, le silence. Et soudain, là-bas, un petit claquement. L’assassin avait raccroché le récepteur.

Cela n’avait pas duré vingt secondes. Quand Patrice voulut à son tour replacer le cornet, il dut faire un effort pour le lâcher, tellement ses doigts s’étaient crispés autour du métal.

Il demeura interdit. Ses yeux s’étaient fixés sur une grande horloge que l’on voyait sur un bâtiment de la cour, à travers la fenêtre, et qui marquait sept heures dix-neuf, et il répétait machinalement ces chiffres en leur attribuant une valeur documentaire. Puis il se demanda, tellement la scène tenait de l’irréel, si tout cela était vrai, et si le crime ne s’était pas perpétré en lui-même, dans les profondeurs de son cerveau endolori.

Mais l’écho des clameurs vibrait encore à son oreille, et tout à coup il reprit le