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mais que, au contraire, ils se déchaînaient avec plus d’intensité et plus de violence. Les adieux du mari et de la femme ne mettaient pas fin, même momentanément, aux dangers qui menaçaient Coralie. De tous côtés des périls surgissaient, et Patrice Belval s’avouait incapable de les prévoir, et, plus encore, de les conjurer.

Après deux heures d’insomnie, il ralluma son électricité, et, sur un petit registre, se mit à écrire, en des pages rapides, l’histoire de la demi-journée qu’il venait de vivre. Il espérait ainsi débrouiller un peu l’inextricable écheveau.

À six heures, il alla réveiller Ya-Bon et le ramena. Puis, planté devant le nègre ahuri, les bras croisés, il lui jeta :

— Alors, tu estimes que ta tâche est accomplie ! Pendant que je turbine en pleines ténèbres, monsieur dort, et tout va bien ! Mon cher, vous avez une conscience rudement élastique.

Le mot élastique amusa fort le Sénégalais, dont la bouche s’élargit encore et qui grogna de plaisir.

— Assez de discours, ordonna le capitaine. On n’entend que toi. Prends un siège, lis ce mémoire, et donne-moi ton opinion motivée. Quoi ? tu ne sais pas lire ? Eh bien, vrai, ce n’était pas la peine d’user la peau de ton derrière sur les bancs des lycées et des collèges du Sénégal ! Singulière éducation !

Il soupira et, lui arrachant le manuscrit :

— Écoute, réfléchis, raisonne, déduis et conclus. Donc voici où nous en sommes. Je résume :

» 1o Il y a un sieur Essarès bey, banquier richissime, lequel sieur est la dernière des fripouilles et trahit à la fois la France, l’Égypte, l’Angleterre, la Turquie, la Bulgarie et la Grèce… à preuve que ses com-