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porte, Siméon, tu les surveilleras après mon départ.

Il observa sa femme, étonné qu’elle ne s’en allât pas et il dit à son secrétaire :

— Il faut que je sois debout à six heures pour tout préparer, et je suis mort de fatigue. Conduis-moi jusqu’à ma chambre. Ensuite, tu reviendras éteindre.

Il sortit avec l’aide de Siméon.

Aussitôt, Patrice Belval comprit que Coralie n’avait pas voulu faiblir devant son mari, mais qu’elle était à bout d’énergie et incapable de marcher. Prise de défaillance, elle tomba à genoux, en faisant le signe de la croix.

Quand elle put se relever, quelques minutes plus tard, elle avisa sur le tapis, entre elle et la porte, une feuille de papier à lettre où son nom était inscrit. Elle ramassa et lut :

« Maman Coralie, la lutte est au-dessus de vos forces. Pourquoi ne pas faire appel à mon amitié ? Un geste et je suis près de vous. »

Elle chancela, étourdie par la découverte inexplicable de cette lettre, et troublée par l’audace de Patrice. Mais, rassemblant dans un effort suprême tout ce qui lui restait de volonté, elle sortit à son tour, sans avoir fait le geste que Patrice implorait.



VI.

Sept heures dix-neuf

Cette nuit-là, dans sa chambre de l’annexe, Patrice ne put dormir. À l’état de veille, il continuait de se sentir oppressé et traqué, comme s’il eût subi les affres d’un cauchemar monstrueux. Il avait l’impression que les événements furieux, où il jouait à la fois un rôle de témoin déconcerté et d’acteur impuissant, ne s’arrêtaient pas, tandis qu’il essayait, lui, de se reposer,