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nerveux faisait claquer sa mâchoire. Des gouttes de sueur luisaient le long de son crâne.

En face de lui, Coralie, frêle et petite, demeurait impassible. Patrice Belval, que l’angoisse étreignait, et qui se préparait à l’action, ne pouvait lire sur son calme visage que du dédain et de l’aversion.

À la fin, Essarès, parvenant à se dominer, prononça :

— Tu me rejoindras, Coralie. Que tu le veuilles ou non, je suis ton mari. Tu l’as bien senti tout à l’heure, quand la volonté du meurtre t’a armée contre moi et que tu n’as pas eu le courage d’aller jusqu’au bout de ton dessein. Il en sera toujours ainsi. Ta révolte s’apaisera, et tu rejoindras celui qui est ton maître.

Elle répondit :

— Je resterai pour lutter contre toi, ici, dans cette maison même. L’œuvre de trahison que tu as accomplie, je la détruirai. Je ferai cela sans haine, car je n’ai plus de haine, mais je le ferai sans répit, pour réparer le mal.

Il dit tout bas :

— Moi, j’ai de la haine. Prends garde à toi, Coralie. Le moment même où tu croiras n’avoir plus rien à craindre sera peut-être celui où je te demanderai des comptes. Prends garde.

Il pressa le bouton d’une sonnette électrique. Le vieux Siméon ne tarda pas à entrer. Il lui dit :

— Alors, les deux domestiques se sont esquivés ?

Et, sans attendre la réponse, il reprit :

— Bon voyage. La femme de chambre et la cuisinière suffiront pour assurer le service. Elles n’ont rien entendu, elles. Non, n’est-ce pas ? elles couchent trop loin. N’im-