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Ya-Bon, une sorte de colosse, couleur de charbon luisant, avec des cheveux crépus et quelques poils frisés au menton, avec une manche vide fixée à son épaule gauche et deux médailles épinglées à son dolman, Ya-Bon avait eu une joue, un côté de la mâchoire, la moitié de la bouche et le palais fracassés par un éclat d’obus. L’autre moitié de cette bouche se fendait jusqu’à l’oreille en un rire qui ne semblait jamais s’interrompre et qui étonnait d’autant plus que la partie blessée de la face, raccommodée tant bien que mal, et recouverte d’une peau greffée, demeurait impassible.

En outre, Ya-Bon avait perdu l’usage de la parole. Tout au plus pouvait-il émettre une série de grognements confus où l’on retrouvait son sobriquet de Ya-Bon éternellement répété.

Il le redit encore d’un air satisfait, en regardant tour à tour son maître et sa victime, comme un bon chien de chasse devant la pièce de gibier qu’il a rapportée.

— Bien, fit l’officier, mais, une autre fois, vas-y plus doucement.