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Mais, pour dire la vérité, depuis le début il y avait en Patrice Belval un sentiment qui se mêlait à tous les autres, le dominait peu à peu et rendait illusoire toute lutte intérieure, un sentiment de curiosité poussé jusqu’à l’exaspération. Non point la curiosité banale de connaître les dessous d’une affaire ténébreuse, mais celle plus haute de connaître l’âme mystérieuse d’une femme qu’il aimait, qui était emportée par le tourbillon des événements, et qui, soudain, redevenant maîtresse d’elle-même, prenait en toute liberté et avec un calme impressionnant la plus terrifiante des résolutions. Et alors d’autres questions s’imposaient à lui. Cette résolution, pourquoi la prenait-elle ? Était-ce une vengeance, un châtiment, l’assouvissement d’une haine ?

Patrice Belval demeura immobile.

Coralie leva le bras. Devant elle, son mari ne tentait même plus ces mouvements de désespoir qui indiquent l’effort suprême. Il n’y avait dans ses yeux ni prières, ni menaces. Il était résigné. Il attendait.

Non loin d’eux, le vieux Siméon, toujours ficelé, se dressait à demi sur ses coudes et les contemplait éperdument. Coralie leva le bras encore. Tout son être se haussait et se grandissait dans un élan invisible où toutes ses forces accouraient au service de sa volonté. Elle était sur le point de frapper. Son regard choisissait la place où elle frapperait.

Pourtant, ce regard devenait moins dur et moins sombre. Il sembla même à Patrice qu’il y flottait une certaine hésitation et que Coralie retrouvait, non point sa douceur habituelle, mais un peu de sa grâce féminine.

— Ah ! maman Coralie, se dit Patrice, te voilà revenue. Je te reconnais. Quel que