Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette cordelette, Bournef la déplia, la saisit par les deux boucles, en vérifia sur son genou la solidité, puis, revenant à Essarès, la lui passa autour du cou, après l’avoir débarrassé de son bâillon.

— Essarès, dit-il, avec une tranquillité plus impressionnante que l’emportement et les railleries du colonel, Essarès, je ne te ferai pas souffrir. La torture, c’est un procédé qui me dégoûte, et je ne veux pas y avoir recours. Tu sais ce que tu as à faire, et je sais, moi, ce que j’ai à faire. Un mot de ta part, un acte de la mienne, et ce sera fini. Ce mot, c’est le oui ou le non que tu vas prononcer. Cet acte que je vais accomplir, moi, en réponse à ton oui ou à ton non, ce sera ta mise en liberté ou bien…

Il s’arrêta quelques secondes, puis déclara :

— Ou bien ta mort.

La petite phrase fut articulée très simplement, mais avec une fermeté qui lui donnait la signification d’une sentence irrévocable. Il était clair qu’Essarès se trouvait en face d’un dénouement qu’il ne pouvait plus éviter que par une soumission absolue. Avant une minute, il aurait parlé, ou il serait mort.

Une fois de plus, Patrice observa maman Coralie, prêt à intervenir s’il avait deviné en elle autre chose qu’une terreur passive. Mais l’attitude de la jeune femme n’avait pas changé. Elle admettait donc les pires événements, même celui qui menaçait son mari ? Patrice se contint.

— Nous sommes d’accord ? fit Bournef à ses complices.

— Entièrement d’accord, fit l’un d’eux.

— Vous prenez votre part de responsabilité ?

— Nous la prenons.