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ta femme, peut-être ? Allons donc, tu vois bien que, même si elle a pu s’échapper, elle ne dira rien. Alors ? alors, c’est que tu te moques de moi ?…

Il fut saisi d’une fureur soudaine et vociféra :

— Foutez-lui les pieds au feu ! et que ça sente le roussi une bonne fois ! Ah ! tu te fiches de moi ? Eh bien, attends un peu, mon bonhomme, et d’abord, je vais m’en mêler, moi, et te faire sauter une oreille ou deux… tu sais ? comme ça se pratique dans mon pays.

Il avait tiré de son gilet un poignard qui étincela aux lumières. Sa face était répugnante de cruauté bestiale. Avec un cri sauvage, il leva le bras et se dressa, implacable.

Mais si rapide que fut son geste, Essarès le devança.

Le revolver braqué d’un coup détona violemment. Le couteau tomba de la main du colonel. Il demeura quelques secondes dans son attitude de menace, le bras suspendu en l’air, les yeux hagards, et comme s’il n’eût pas bien compris ce qui lui arrivait. Et puis, subitement, il s’écroula sur sa victime, lui paralysant le bras de tout son poids, à l’instant même où Essarès visait un des autres complices.

Il respirait encore. Il bégaya :

— Ah ! la brute… la brute… il m’a tué… mais c’est ta perte, Essarès… J’avais prévu le cas. Si je ne rentre pas cette nuit, le préfet de police recevra une lettre… on saura ta trahison, Essarès… toute ton histoire… tes projets… Ah ! misérable… Est-ce bête ?… On aurait pu si bien s’accorder tous les deux…

Il marmotta encore quelques paroles confuses et roula sur le tapis. C’était la fin.

Plus encore peut-être que ce coup de