Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je te prends dans mon jeu et tu me prends dans le tien. Réunis, nous gagnons fatalement la victoire. Ennemis, qui sait si le vainqueur surmontera tous les obstacles qui s’opposeront encore à lui ? C’est pourquoi, je te le répète : part à deux. Réponds. Oui ou non ?

Il desserra le bâillon et tendit l’oreille. Cette fois, Patrice ne perçut pas les quelques mots qui furent prononcés par la victime. Mais presque aussitôt, l’autre, le chef, se releva dans une explosion de colère subite.

— Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que tu me proposes ? Vrai, tu en as de l’aplomb ! Une offre de ce genre à moi ! Offre cela à Bournef ou à ses camarades. Ils comprendront, eux. Mais moi ? moi ? le colonel Fakhi. Ah ! non, mon petit, je suis plus gourmand, moi ! Je consens à partager. Mais, à recevoir l’aumône, jamais de la vie !

Patrice écoutait avidement, et, en même temps, il ne perdait pas de vue maman Coralie, dont le visage, toujours décomposé par l’angoisse, exprimait la même attention.

Et aussi, il regardait la victime que la glace posée au-dessus de la cheminée reflétait en partie. Habillé d’un vêtement d’appartement en velours soutaché, et d’un pantalon de flanelle marron, c’était un homme d’environ cinquante ans, complètement chauve, de figure grasse, au nez fort et recourbé, aux yeux profondément renfoncés sous des sourcils épais, aux joues gonflées et couvertes d’une lourde barbe grisonnante. Du reste, Patrice pouvait l’examiner d’une manière plus précise sur un portrait