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blette. Les quatre millions s’y trouvaient. J’étais renseigné.

— Comment, vous étiez renseigné ?

— Oui, sur l’état d’esprit d’Essarès, sur ses lectures, sur ses habitudes, sur la façon dont il concevait une bonne cachette. Nous avions cherché trop loin et trop profondément. Nous avions joué la difficulté. Il fallait jouer la facilité, regarder l’extérieur, la superficie.

» Deux petits indices encore me servirent. J’avais remarqué que les montants de l’échelle que Ya-Bon avait dû prendre dans ces parages portaient quelques grains de sable. Enfin, je me rappelai ceci : Ya-Bon avait tracé un triangle à la craie sur le trottoir, et ce triangle n’avait que deux côtés, le troisième étant constitué par la base du mur. Pourquoi ce détail ? Pourquoi pas une troisième ligne à la craie ? Est-ce que l’absence de cette troisième ligne signifiait que la cachette se trouvait au pied d’un mur ? Bref, j’allumai une cigarette, je m’établis là-haut, sur le pont de la péniche et je me dis, tout en regardant autour de moi « Mon petit Lupin, je te donne cinq minutes. » Quand je me dis : « Mon petit Lupin », il m’est impossible de me résister à moi-même. Je n’avais pas fumé le quart de ma cigarette que ça y était.

— Vous saviez ?…

— Je savais. Parmi les éléments dont je disposais, lequel a fait jaillir l’étincelle ? Je l’ignore. Tous à la fois, sans doute. C’est là une opération psychologique assez complexe, comme une expérience de chimie. L’idée juste se forme tout à coup par des réactions et des combinaisons mystérieuses entre les éléments où elle était en puissance. Et puis, il y avait en moi un principe d’intuition, une surexcitation toute spéciale qui m’obligeait, qui, fatalement, m’obligeait à découvrir la cachette : maman Coralie s’y trouvait.