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complexes sont toujours si simples ! Voyons, vous ne comprenez pas ? Réfléchissez à la façon dont se pose le problème. Durant seize à dix-huit ans, Siméon Diodokis se conduit envers vous comme un ami parfait, dévoué jusqu’à l’abnégation, bref, comme un père. Il n’a d’autre idée, en dehors de sa vengeance, que votre bonheur et celui de Coralie. Il veut vous réunir tous les deux. Il collectionne vos photographies. Il vous suit dans toute votre existence. Il se met presque en rapport avec vous. Il vous envoie la clef du jardin et prépare une entrevue. Et puis, soudain, changement total ! Il devient votre ennemi acharné et ne songe qu’à vous tuer, Coralie et vous ! Qu’y a-t-il eu entre ces deux états d’âme ? Un fait, et c’est tout, ou plutôt une date, la nuit du 3 au 4 avril, et le drame qui se passa, cette nuit-là et le jour suivant, dans l’hôtel Essarès. Avant cette date, vous êtes le fils de Siméon Diodokis. Après cette date, vous êtes le plus grand ennemi de Siméon Diodokis. Cela vous ouvre les yeux, hein ? Moi, toutes mes découvertes proviennent de cette vue générale que j’ai prise dès le début sur l’affaire.

Patrice hochait la tête, sans répondre. Il comprenait, certes, et pourtant l’énigme gardait une partie de son secret.

— Asseyez-vous là, fit don Luis, sur notre fameux tas de sable, et écoutez-moi. En dix minutes, j’aurai fini.

Ils se trouvaient dans le chantier Berthou. Le jour commençait à baisser et, de l’autre côté de la Seine, les silhouettes devenaient indécises. Au bord du quai, la péniche se balançait mollement.