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en tenant compte de l’espace perdu entre les piles de pièces. Comme hauteur, ce mur. Recouvrez le tout d’une couche de sable, et vous aurez le tas qui est là sous vos yeux…

Après un nouvel arrêt, don Luis reprit :

— Et qui est là depuis des mois, monsieur le Président. Non seulement sans que ceux qui cherchaient l’or aient pu le découvrir là-dessous, mais sans même que le hasard ait pu en révéler la présence à personne.

» Pensez donc, un tas de sable ! On cherche dans une cave, on se met en quête de tout ce qui peut former une grotte, une caverne, de tout ce qui est trou, excavation, puits, égout, souterrain. Mais un tas de sable ! Qui aurait jamais l’idée d’ouvrir une petite fenêtre là-dedans pour voir ce qui s’y passe ? Les chiens s’arrêtent au bord, les enfants jouent et font des pâtés, quelque chemineau s’étend et sommeille. La pluie l’amollit, le soleil le durcit, la neige l’habille de blanc, mais cela se produit à la surface, dans la partie qui se voit. À l’intérieur, c’est le mystère impénétrable. À l’intérieur, ce sont les ténèbres inexplorables. Il n’y a pas de cachette au monde qui vaille l’intérieur d’un tas de sable exposé dans un endroit public. Celui qui a imaginé de s’en servir pour y cacher trois cents millions d’or est un rude homme, monsieur le Président.

Valenglay avait écouté don Luis sans l’interrompre. À la fin des explications, il hocha la tête deux ou trois fois, puis il prononça :

— Un rude homme, en effet. Mais il y a plus fort que lui, monsieur.

— Je ne crois pas.

— Si, il y a celui qui a deviné que le tas de sable abritait les trois cents millions d’or. Celui-là est un maître, devant lequel il faut s’incliner.